Célébrer Lamarck
Les anniversaires, qu'il s'agisse de célébrer les vingt-cinq, cinquante ou cent
ans d'un événement, sont souvent, on le sait, des manifestations purement
glorificatrices, au cours desquelles, grâce à la reconstruction des activités et
de la figure plus ou moins héroïque du décédé, on reconstitue des identités de
groupe ou de nation, on revendique pour sa propre tradition culturelle des
droits et des titres de gloire, on chante les vertus du passé avec un
enthousiasme proportionnel à la distance temporelle du fait fêté. Il s'agit
évidemment d'un exercice légitime, même s'il nous renseigne davantage sur les
participants que sur le célébré. L'historiographie Lamarckienne telle qu'elle a
souvent été présentée lors des célébrations officielles qui se sont déroulées
depuis la cérémonie d'inauguration du fameux monument à Lamarck le 13 juin 1909,
représente un phénomène particulièrement curieux. Ce qui est encore plus
intéressant, c'est la permanence de certains thèmes, de certains clichés que les
ouvrages historiques sur Lamarck - qui se sont succédés dans les derniers vingt
ans - n'ont pas réussi à modifier de façon significative. On pourrait même dire
que les historiens de Lamarck sont souvent amenés à constater l'inutilité de
leurs efforts pour comprendre au-delà des mythes, un savant qui encore
aujourd'hui suscite des passions sincères et parfois véhémentes.
Le ton et les accents de plusieurs célébrations Lamarckiennes ont été bien
établis en 1909 par le Directeur du Muséum d'histoire naturelle, Edmond Perrier,
dans son discours prononcé à l’occasion de l’inauguration du monument dédié à
Lamarck (à l'entrée de l'allée principale de l'établissement parisien). La
biologie des deux dernières décennies, nous dit Perrier, a été marquée par des
débats acharnés entre les partisans des différentes doctrines évolutionnistes.
L'acte de justice que l’on rend trop tard à Lamarck, l’unique et vrai fondateur
de la théorie de l'évolution, poursuit-il, ne doit pas faire oublier les
obstacles que son travail a dû surmonter, non seulement à l'étranger mais aussi
en France, et ce, dans l'institution même où il travaillait:
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